Celle qui réinventait l’expérience de la fertilité

Entrepreneure par conviction, Caroline fonde sa première entreprise en 2004, bien décidée à créer ses propres opportunités et quelque peu lassée d’évoluer au sein de grosses structures aux hiérarchies masculo-masculines. Avec Prylos, elle infiltre le milieu alors à peine balbutiant des services et applications mobiles (nous sommes en 2004, trois ans avant l’apparition du premier iPhone) et impose son entreprise parmi les pionniers du secteur. Son succès est tel qu’elle attire les convoitises du géant suédois de la téléphonie Doro qui fera l’acquisition de Prylos en 2011, et intègrera Caroline à son comité de direction.

« Biberonnée » (ce sont ces mots) au féminisme par une famille engagée et militante, elle voit son propre engagement comme un combat pour l’égalité. Et pour celle qui s’est très souvent retrouvée seule parmi « eux », créer son chemin passe par l’adoption de codes masculins qu’il faut faire siens sans sourciller. Elle croit par ailleurs beaucoup à l'entraide féminine, au réseau, au partage d’expérience qui permet d’inspirer en montrant ce qui est possible.

C’est cette même passion et l’envie de secouer les statu quo qui la poussera, après quelques années pourtant très prolifiques à la direction de Doro, à renouer avec l’entrepreneuriat pour écrire sa propre histoire et prendre des risques à sa mesure. Elle entre en tant qu’entrepreneur en résidence chez Kamet, le startup studio d’AXA, pour travailler à des projets de services innovants dans le domaine de la santé. Les idées ne manquent pas. Mais c’est un court e-mail d’un médecin spécialisé dans la fertilité qui mettra la machine véritablement en marche.

Il serait trop réducteur d’expliquer l’engagement de Caroline dans ce projet simplement par une supposée empathie féminine. Et ce serait passer à côté de son approche singulière de la fertilité. « La fertilité n’est pas qu’un problème féminin » pose d’emblée l’intéressée. « 40 % des causes d’infertilité sont d’origine masculine, et 20 % sont des causes combinées. » C’est une expérience partagée qu’Apricity s’attache à rendre positive, humaine et personnelle. Lancé officiellement début 2019 au Royaume-Uni, un marché où le coût des traitements est supporté intégralement par les patients, le service accompagne dans leurs parcours une centaine de couples, hétérosexuels comme homosexuels, et de femmes célibataires. Pour le même prix qu’un traitement classique, des fertility advisors sont disponibles 7 jours sur 7 pour répondre aux besoins médicaux et une application mobile permet un suivi détaillé du processus. Une aide précieuse, notamment pour celles et ceux qui n’ont personne avec qui échanger sans tabou sur ces sujets.

Pour Caroline, qui manage aujourd’hui trente salariés répartis sur trois sites des deux côtés de la Manche, Apricity est une aventure engagée, un prolongement naturel de son féminisme : « être féministe, c’est à la fois embaucher des femmes, vouloir les inspirer et les faire progresser, mais aussi créer des services pour les femmes, pour améliorer leur quotidien », précise-t-elle. Une contribution significative pour celle qui constate déjà une évolution dans les mentalités : « L’accompagnement des femmes dans leurs carrières est en train de muter. On voit de plus en plus de responsables des ressources humaines de grands groupes intégrer la fertilité dans leurs packs d’avantages sociaux. De sujet épineux, la fertilité est en passe de devenir un argument de différenciation pour les employeurs », conclut-elle.